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KISS SERIE – EPISODE 1 : LE STORY MAPPING

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Keep It Simple and Stupid. Chacun connaît l’acronyme du baiser. Et pourtant … Simplicité ne saurait s’apparenter à bêtise. C’est même tout l’inverse. “La simplicité est la sophistication suprême.” Léonard de Vinci.

Dans cette série d’articles, je vous propose de revenir sur des bases, des ateliers et outils agiles connus de tous, mais sous un format accessible, empreint de quotidien et de bon sens. Pour expliquer simplement les choses et donner à chacun le loisir de comprendre. L’intelligence, “inter” et “ligare” pour la racine latine, faire du lien entre. Car c’est bien de cela dont il s’agit : faire du lien entre ce que chacun sait, connaît, entrevoit, déjà dans sa vie personnelle et ce qu’il ou elle vit ou expérimente dans le monde professionnel. Un fossé en apparence : si peu en réalité.

Bon voyage !

Au menu ? Le story mapping

Lorsque j’ai commencé à former des équipes sur l’atelier incontournable du story mapping, je me suis heurtée à une vieille amie. La Peur. Les gens se trouvaient démunis et dans l’incapacité de faire des propositions. La plupart pensaient devoir fournir immédiatement des solutions, des fonctionnalités, et n’avaient pas la moindre idée de comment y parvenir. Le mot de “mapping” leur faisait peur, l’explication du déroulé n’arrangeait rien à l’affaire. L’abstraction était trop grande.

Avec mon ami coach, Gaël Rebmann, nous avons eu alors cette idée, simple, inspirée de Jeff Patton, que j’ai depuis raffinée et travaillée formation après formation, de sortir du cadre professionnel.

Le projet que je propose à mes participants se résume en une phrase (ou presque !)

Vous êtes vous-même. (And you are beautiful no matter what they say!).

Vous êtes dans votre situation familiale réelle (marié, célibataire, avec ou sans enfants etc.), vous avez vos loisirs, vos habitudes, des animaux de compagnie, des routines quotidiennes.

Aujourd’hui, pour le besoin de cet exercice nous allons imaginer que nous sommes chacun acteur d’un projet commun qui est le suivant : entre le moment où vous vous réveillez le matin et le moment où vous allez passer le pas de la porte pour aller travailler, vous avez deux heures.

Alors, qu’allez vous faire de ces deux heures ?

Acte 1. Récolter toutes les idées : éloge de la liberté

À ce stade, les participants lancent des idées plus ou moins précises, que je tente toujours de détailler, découper. Ainsi, lorsqu’un participant me lance “je déjeune”, je demande des précisions : parle-t-on d’un simple café, ou bien de tartines grillées, beurrées avec confiture ?

Les propositions, au départ systématiquement timides, commencent à fuser. Certains décident de prendre le temps d’un shampoing, qui appelle en général un brushing pour une partie de l’audience. Les sportifs proposent un jogging ou du yoga. Souvent à cette étape, les parents se souviennent (parfois non sans angoisse, je dois le dire !) qu’ils ont des enfants et listent alors minutieusement ce qu’il convient de faire pour préparer leur progéniture, en fonction de l’âge de celle-ci (et la liste est longue).

Les propriétaires d’animaux trouvent avisés de ne pas laisser le chien, affamé, sans sortir faire un petit tour, par égard pour le tapis Ikéa. Ainsi, le mur se remplit, avec concomitamment des échanges intéressants entre les profils divers dans la salle. Mais à ce stade, toutes les propositions sont bien accueillies dans la mesure où tout est accepté et qu’on dispose d’un temps jugé très long pour le projet qui vise à se préparer.

Acte 2. Regrouper les idées : le moment du doute

Je propose alors de regrouper toutes ces idées par « activités » / « thèmes ». On retrouve généralement les mêmes d’une session à l’autre, et ces thèmes se déclinent souvent ainsi : Hygiène, Beauté, Habillement, Alimentation, Gestion de la Maison, Gestion des enfants, Gestion des animaux, Administratif, Loisirs À cette étape, les participants sentent bien que certains thèmes sont déjà plus incontournables que d’autres au regard de notre projet consistant à aller travailler. Cependant, à l’aune du prisme de chacun, il est toujours amusant de constater que l’importance est, quoi qu’il en soit, un concept extrêmement subjectif. J’ai vu des échanges musclés entre une personne soucieuse de mettre son anti-cernes face à un participant qui suggérait de simplement se brosser les dents et filer … ! L’anti-cernes a d’ailleurs finalement eu gain de cause, pour l’anecdote.

Acte 3. Macro estimation des tâches : La chasse au biais cognitif optimiste

Afin de vérifier que nous sommes dans les temps des deux heures octroyées initialement, je propose de macro estimer l’ensemble de ce que nous avons listé. Je suggère d’utiliser des tailles de t-shirts pour estimer les différentes tâches. (Pour les plus avisés, vous noterez ici qu’il s’agit d’un exercice qu’on appelle tantôt Magic Estimation, tantôt Extreme Quotation dans la littérature).

Je commence par demander aux participants de repérer la plus petite tâche de notre ensemble.

En général, le brossage de dents se voit identifié comme une taille XS, là où se réveiller, de par son caractère hautement aléatoire à forte incertitude, sera souvent vu comme S ou M … ! Ensuite, je fais une petite entorse aux points relatifs car le but s’avère ici de faire comprendre la macro estimation. Ainsi, les participants s’entendent sur des temps, tels que, par exemple, XS équivalent à une tâche de moins de 5 minutes, S équivalent à une tâche de 6 à 10 minutes, M équivalent à une tâche de 11 à 20 minutes, l’équivalent à une tâche de 20 à 30 minutes et au delà de 30 minutes, une tâche considérée comme XL.

Souvent, à ce stade, les deux heures ne suffisent déjà pas à contenir toutes les propositions faites. Cependant, on assiste aussi à un optimisme collectif sur les estimations. Ce n’est que par le questionnement qu’on arrivera à mettre des estimations réalistes, car a-priori tout le monde s’accorde à dire spontanément qu’une machine à laver se fait en 30 secondes et que repasser trois chemises ne prend guère davantage. Pourtant, interrogés individuellement, les gens auront tendance à revenir à des temps plus réalistes, au regard des aléas possibles dans le réel. La salutation au soleil ou le repassage seront donc généralement repoussés au week-end prochain. Ou découpés à nouveau pour ne garder que la posture du tigre (il semblerait que cela soit alors un S) et le repassage d’une paire de chaussettes (dans mon cas, avec l’aléa chat qui joue avec le fer à repasser, on reste tout de même sur une tâche M).

Acte 4. Mise à jour du triangle : périmètre / temps / effectif. Le temps des crispations …

Ma cruauté peut alors se déployer ouvertement. Alors que nous étions parvenus en général à un consensus, je propose de corser encore davantage l’affaire, en annonçant que le temps vient subitement de passer de 2 heures à … 30 minutes. Il va falloir être intraitables sur les tâches que l’on entend mener durant ce laps de temps jugé comme dérisoire. Et là, chacun peut alors apprécier les joies des négociations entre parties prenantes n’ayant pas forcément les mêmes priorités !

Certains participants ont ainsi pu considérer qu’en 30 minutes ils n’avaient pas le MVP – autrement dit, le suffisant de dignité pour sortir, non pas en production comme dans l’informatique, mais simplement de chez eux. Je joue alors le rôle de leur responsable hiérarchique, mais il m’est arrivé de me confronter à de véritables mutineries, où les gens préfèrent poser une RTT que sortir en l’état. Pas de compromis sur la qualité ? Pourquoi pas ! Pour les autres, je constate que nourrir le chien est rarement une priorité et que les enfants peuvent aller en simple manteau à la crèche en plein mois de décembre, tandis que le maquillage est rarement retiré de la liste quelle que soit la saison.

Acte 5. De la conclusion que j’en tire

Je joue cet atelier depuis maintenant deux ans, régulièrement. Avec le temps, je l’ai étoffé, arrangé, rendu plus vivant, fait tenir entre 45 minutes et une heure. Cependant, sur le fond, ce qui plaît ici aux participants est simple : sa simplicité de compréhension. Ainsi ai-je entendu des verbatim comme « j’ai tout compris, je me sens intelligent, l’agilité en fait, ce n’est pas inaccessible vu comme ça« , ou encore « je ferai un bon product owner, je le fais déjà à la maison !« , ou bien « finalement, c’est beaucoup de bon sens !« .

Si on lit attentivement entre les lignes, on constate que pourtant, tous les ingrédients de la recette du story mapping sont bien présents. Il suffira de tirer les liens de la métaphore.

Quels sont les enseignements à en tirer ? Aligner tout d’abord toutes les personnes présentes. Dans le monde de l’IT, « toutes » signifie aussi bien les fonctionnels, les techniques, les architectes, que les utilisateurs. Aligner également toutes les visions, en se mettant d’accord sur des priorités communes, sur ce qui est incontournable tout de suite (le fameux MVP) et ce qui peut souffrir d’attendre encore un peu. Très modestement et sans souffrance, cet atelier de story mapping permet à chacun de savoir créer le squelette de son backlog futur. Couplé par la ruse à une Macro Estimation, il permet d’enseigner de surcroit une autre bonne pratique. Il montre enfin la force d’un management visuel évolutif dans le temps, qui se constitue avec de simples post-it.

J’en terminerai enfin par ceci. Toutes les phrases précitées plus haut me touchent. Car elles disent une chose importante : la peur recule. Et quand la peur recule, c’est alors un possible vers un changement, réel, des individus.

La prochaine fois, je vous explique la Value Stream Map, tout aussi simplement.


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