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Le Beer Game, ou petit retour sur l’impact systémique des approches agiles (Episode 2)

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Dans le premier article de cette série, Le Beer Game, ou petit retour sur l’impact systémique des approches agiles (Episode 1), nous avons fait quelques rappels sur les origines du Beer Game, sur l’approche systémique, puis nous avons décrit le jeu.

Ce deuxième article décrypte ce qui se passe durant le jeu et explique les dynamiques limitantes que ce dernier rend visible.

Que se passe-t-il durant le jeu ?

L’effet Bullwhip

En termes de chiffres, invariablement, les résultats affichent les caractéristiques suivantes, également appelées l’effet Bullwhip :

  • Oscillations : les commandes et inventaires sont dominés par de larges fluctuations d’amplitudes
  • Amplifications : l’amplitude et la variance des ordres augmentent régulièrement du détaillant à l’usine. Le pic d’ordres à l’usine est en moyenne plus du double que le pic d’ordres au détaillant.
  • Décalage de phase : le nombre d’ordres tend à atteindre son maximum de plus en plus tard, au fur et à mesure que l’on remonte la chaîne.

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Source : http://romeshgupta.wordpress.com/2012/02/17/taming-that-bullwhip-effectchallenge-to-a-supply-chain-professional/

L’impact humain

En termes humains, l’expérience n’est pas de tout repos :

  • Les participants ressentent frustration et impuissance face aux fluctuations de commandes et de livraisons.
  • Les incompréhensions fleurissent quant à l’attitude des équipes tant en amont qu’en aval, et les adjectifs fleuris ne tardent pas à apparaître : « incompétents » ; « stupides » ; « c’est du n’importe quoi ce qu’ils font » ; « mais pourquoi ils m’ont fait ce coup-là ? »
  • Les blâmes fusent et chaque sous-équipe se pose en victime des décisions de l’autre, et au final, du client.

Que révèle le jeu lors du débriefing ?

Lorsque les participants sont présentés avec les comparaisons des graphes des demandes, des livraisons, des coûts, et surtout des demandes réelles des client, ils tombent des nus. Bien que clairement, quelque chose n’a pas tourné rond, ils comprennent mieux le déroulement des événements. Il est clair que chacun a fait ce qu’il a pu, surtout que les règles sont assez simples. Ils se rendent compte assez facilement qu’il n’y a pas ici de problème de compétence, ni de problème humain.

Le système induit le comportement

Les caractéristiques du système – qui correspondent à nombre de systèmes organisationnels rencontrés lors de nos interventions – sont les suivantes :

  • Cycles longs
  • Communication restreinte
  • Multiplication des étapes
  • Vue partielle du système

Voici comment les participants vont naturellement réagir face aux effets du système :

  • Lorsque la demande en aval d’une section augmente par rapport à la quantité habituelle, les participants placent plus de commandes en amont.
  • Cependant, du fait de la longueur des cycles, ceux-ci ne voient pas leurs commandes arriver. Les stocks diminuent et les arriérés s’accumulent.
  • Face à la pénurie et l’absence de compréhension sur son origine, l’anxiété et la tension augmentent. Les participants tentent de corriger le problème en plaçant d’énormes commandes.
  • Cette stratégie marcherait si les commandes étaient satisfaites rapidement… Ce qui n’est pas le cas du fait de la longueur des cycles. N’ayant de la visibilité que sur une partie – leur propre section, car toute autre visibilité est rendue difficile de part les restrictions de communication – les participants ne voient pas les bières en cours de cheminement ni leur position dans la chaîne d’approvisionnement. Ils commandent encore plus de bières.
  • Eventuellement, les premières commandes arrivent… mais rapidement, les commandes suivantes, plus volumineuses, arrivent également. Les arriérés sont rapidement effacés, mais cette fois-ci les stocks s’accumulent.
  • Du fait du nombre de sections, et donc d’étapes, le système entier se retrouve submergé de stocks.

On le voit ici, ce sont les contraintes du système qui induisent le comportement des participants et ce de manière reproductible. Ce ne sont ni la compétence, ni le bon-vouloir des membres de chaque section qui est en cause.

Le système rend le succès difficile, voir impossible

On peut croire que le problème peut être résolu par une adaptation au système et un changement de comportement de la part des parties prenantes… L’exercice s’avèrera limité dans ses résultats et très coûteux en énergie.

Parmi les solutions classiques de tentatives d’adaptation au système, on peut noter :

  • Faire plus de réunions pour ouvrir la communication et partager l’information.
    Malheureusement, le grand nombre d’interlocuteurs qui découle de la quantité d’étapes et d’équipes voit l’initiative rapidement se transformer en réunionite aiguë. Le temps de synchronisation prend sur le temps de production, ce qui impacte l’efficacité. La complexité de la communication et les ratés engendrent encore plus de besoin de communication et plus de réunions.
  • Planifier, estimer, coordonner pour compenser les cycles longs et organiser les équipes impliquées.
    La complexité de la gestion des dépendances et de la communication, qui est toujours omniprésente, rend le coût de l’erreur énorme. Tout changement de plan doit être communiqué et se heurte aux difficultés de communication. Les estimations sont ce qu’elles sont : des estimations, donc sujettes à erreur… La boucle est bouclée. Beaucoup cherchent alors à faire de meilleures estimations, dont la difficulté d’obtention et la mauvaise utilisation sont bien documentées (on ne se référera pas assez à une autre vieille référence terriblement d’actualité et publiée la première fois en 1975 : The Mythical Man Month de Fred Brooks). La tentative de maîtrise du système s’accompagne d’une perte supplémentaire de flexibilité.

Au long cours, les lourdeurs du système génèrent un sentiment d’impuissance qui démobilise les personnes. Les meilleurs éléments partent. La plupart deviennent apathiques.

Seule solution viable : changer le système et non essayer seulement de s’y adapter

Ce sont aux origines profondes des dysfonctionnements qu’il faut s’attaquer et non simplement à leurs conséquences. C’est à dire, mettre en place :

  • Cycles courts
  • Communication simplifiée et efficace
  • Réduction du nombre d’étapes (et donc d’équipes)
  • Vue du système dans sa globalité

A suivre…

Comment les approches agiles corrigent-elles ce problème ? C’est le sujet de notre prochain article.


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